Christine de Pizan

Une jeune femme savante

Christine de Pizan      Née à Venise vers 1364, du savant italien Thomas de Pizan, un homme très instruit qui devient le médecin et astrologue de Charles V. En 1369, la petite de Pizan, âgée de cinq ans, se rendit de Venise à la cour de France avec sa mère et ses deux frères. Elle fut éduquée par son père dans des matières académiques telles que la littérature, le grec et le latin. En raison des nombreux intérêts intellectuels de son père, la jeune de Pizan avait une vaste bibliothèque familiale qui comprenait non seulement des livres sur la littérature, l'histoire, les classiques et l'astrologie, mais aussi sur les progrès scientifiques, la religion et les travaux engagés dont les arguments philosophiques en cours en France à l'époque. Christine de Pizan a grandi dans l'entourage intellectuel du roi. Elle reçoit une éducation soignée qui forme son goût pour les lettres. 

      Selon elle, sa vie connait une inflexion marquée à la mort de Charles V en 1380 : la fin du protecteur de son père sonne aussi la fin de sa faveur à la Cour. Il n'y eut pas de disgrâce totale mais un éloignement inquiétant. Les gages de Thomas furent amoindris et versés irrégulièrement. La même année de la mort du roi de France Charles V, Christine, âgée de quinze ans, épouse Étienne du Castel qui a 24 ans, notaire et membre de la cour de France qui avait été élevé en Picardie. Le couple ayant trois enfants, jouissait d'une relation dans laquelle le respect mutuel jouait un rôle important ; il encourageait l'intelligence de sa jeune épouse et son penchant pour la poésie et l'expression de soi, tandis qu'elle appréciait son comportement doux et sa loyauté. Son père mourut à environ 80 ans. Ce père tant loué ne sut pas faire d'économie et laissa sa famille dans le besoin. Étienne de Castel devint le chef de famille à part entière, pouvant assurer le sort matériel de la maisonnée.

      Tragiquement, lors d'une vague de peste bubonique qui ravageait alors l'Europe, Etienne mourut lors d'un voyage à Beauvais avec le roi Charles VI, laissant de Pizan, âgée de 25 ans, elle perd le mari qu'elle aimait. Elle doit élever seule sa fille et ses deux fils. Malheureusement, ses responsabilités ne s'arrêtent pas là : elle doit également assumer les dettes financières de son mari, qui font l'objet d'un litige prolongé, ainsi que soutenir sa mère, maintenant veuve et endettée, et une nièce. Et contre tous les usages, fait le choix de ne pas se remarier et d'élever seule ses enfants. Elle connait alors la dure condition de la femme seule. Les difficultés s'accumulent.

Une femme de lettre

      Elle a tout d'abord connu la dépression pour un temps que nous ignorons, mais qui est probablement de plusieurs mois, voire un an. Ce deuil s'accompagne d'un désastre financier. Cependant, elle décide de ne pas se remarier et choisit le métier de femme de lettres. Elle travaille donc à réorganiser sa fortune et ses avoirs, elle tente de se constituer des revenus suffisants pour garder son rang social. Mais cela reste insuffisant car son père et son époux n'ont pas laissé de patrimoine solide et de revenus garantis. Christine de Pizan nous indique que ces temps difficiles ont duré 14 ans, durant lesquels les soucis financiers, les procès, l'abattement du deuil et la santé défaillante se sont cumulés. Elle évoque ses malheurs dans Le Livre de la Mutation de fortune, notamment les divers poursuites et procès qu'elle a dû traverser pour défendre ses intérêts. Quelques allusions confirment qu'elle a su garder son train de vie sans déchoir ; il est indéniable qu'elle a su développer des qualités de gestion.

      Dans le même temps, son goût pour le travail intellectuel la ramène vers des études approfondies : elle complète et élargit l'éducation première qu'elle a reçue de son père et de son mari. La période 1390-1399 est le temps de l'apprentissage de son métier d'écrivaine, celui où elle acquiert la culture et le bagage livresque dont devait faire preuve tout auteur sérieux. Elle s'intéresse ensuite à la poésie savante et compose une série de pièces lyriques compilées dans Le Livre des cent ballades qui obtiennent un grand succès. Ces pièces dans le goût alors à la mode pleurent son défunt mari et traitent de son isolement, de sa condition de femme au milieu de la cour hostile. 

      Elle obtient des commandes et la protection de puissants comme Jean de Berry et le duc Louis Ier d’Orléans. Elle prend de l’assurance et s’attelle à la rédaction d’écrits érudits philosophiques, politiques, moraux et même militaires. Elle s’engage parallèlement dans un combat en faveur des femmes et notamment de leur représentation dans la littérature. Elle s’oppose en particulier à Jean de Meung et à son Roman de la Rose, alors l’œuvre littéraire la plus connue, copiée, lue et commentée en Europe occidentale. Elle force par son obstination et son courage l’admiration de certains des plus grands philosophes de son temps tels Jean de Gerson et Eustache Deschamps qui lui apporteront leur appui dans ce combat. C'est ainsi qu'elle lui livre en 1404 Le Livre des fais et bonnes moeurs du sage roi Charles V. Elle consacre ensuite deux livres à la défense et la valorisation de la femme, Le livre de la cité des dames de 1404 à 1405 et Le Livres des trois vertus ou Trésor de la cité des dames de 1405 à 1406. Dans le premier, pour répondre aux gauloiseries et aux fantasmes de certains auteurs misogynes, Christine de Pizan s'appuie sur l'Écriture et sur la Nature. Elle le sait par l'expérience de son mariage heureux.

      Christine de Pizan prend également soin de conserver toutes les relations qu'elle avait à la Cour et parmi les gens du roi qui avaient été collègues de son mari ; cette activité mondaine a préparé son succès. Elle a conquis une place dans le monde des courtisans, des savants, des hommes cultivés et des gens de pouvoir. Parmi les gens d'Église, il faut évoquer Jean de Gerson qui a mené une carrière ecclésiastique tout en déployant une grande activité politique. Christine de Pizan le connaissait, suivait probablement ses conseils de vie et partageait ses idées politiques ; il la soutient dans la querelle sur le Roman de la Rose de Jean de Meung. Lors de cette querelle, elle a polémiqué avec de grands intellectuels tels que Jean de Montreuil, admirateur de la culture antique, et qu'on désigne souvent comme le premier humaniste français, ou encore Gontier et Pierre Col. 

      De 1399 à 1418, elle a produit une œuvre considérable, en prose et en vers. L'ensemble de ses textes touche à tous les domaines autorisés aux écrivains laïcs, donc tous, sauf la théologie. Ces ouvrages ont connu le succès du vivant de leur autrice. Christine de Pizan ne se vante pas quand elle signale le bon accueil fait à ses livres : le nombre de manuscrits l'atteste, ainsi que les diverses traductions qui en furent faites aux XVe et XVIe siècles. Le nombre de manuscrits la place parmi les autrices dont les textes ont été le mieux conservés. Le seul fait que des princes et des rois aient accepté ses œuvres et même lui aient fait commande témoigne qu'elle avait su se faire un nom parmi les écrivains et les savants de son époque. Devenue femme de lettres pour gagner sa vie, elle est regardé de haut pas les intellectuels parisiens. 

      Elle sait aussi ce que "la vie amoureuse doit aux lois de la nature". Comme elle le fait dire à une jeune princesse "travaillée par les aiguillons du désir", les hommes et les femmes "ne sont pas faits de pierre ni de fer mais de chair". C'est pour démontrer que chaque femme à sa place dans la société que Christine de Pizan écrit Le Livre des trois vertus. Le traité est destiné à l'éducation d'une princesse, s'adresse en réalité à toutes les femmes. Elle veut que les femmes prennent conscience de leur présence dans la société et du rôle qu'elles y jouent de fait. Elle dispense à celle qui ont un rôle politique à jouer des conseils pratiques. Christine de Pizan  ne revendique pas de droits nouveaux pour les femmes. Mais, en les invitant à prendre leurs responsabilités, à être conscientes de leur rôle dans la société. 

       Christine de Pizan est une écrivaine renommée, en France comme à l'étranger. Elle ne peut donc pas éviter les choix politiques. En 1418, au moment de la terreur bourguignonne, elle se trouve contrainte de se refuge dans un monastère. La victoire de Jeanne d'Arc à Orléans lui redonne l'espoir ; elle rédige en son honneur le Ditié de Jeanne en 1429. Elle meurt peu de temps après en 1430 dans le monastère.

Date de dernière mise à jour : 16/03/2023

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